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STEPHEN WILLIAMS
présentateur à Radio Normandy
Stephen
Williams était l'un des pionniers de la radio commerciale en Angleterre. Il fut
l'une des premières voix de Radio Normandy et de Radio Paris avant la guerre et
ensuite de Radio Luxembourg. En 1987, il nous a raconté son histoire :
Je me suis plongé à fond dans le sans-fil ‑ je suivais son évolution et je lisais tout ce que je pouvais sur le sujet, au détriment de mon travail scolaire. 1928 m'a apporté la première chance de combler cette ambition, Pendant mes grandes vacances, je réussis à obtenir un travail sur un "Yacht émetteur". C'était un très beau navire à vapeur qui avait appartenu à Lord Iveah, de la famille Guinness, mais à présent il était affrété par le Daily Mail. Je devais être l'annonceur en charge de tous les programmes ce qui voulait dire devenir ce que l'on appelle à présent un disc-jockey, L'idée (qui deviendra familière trente ans plus tard avec l'arrivée des Radio Caroline et London) était d'émettre depuis la mer, juste à la limite des eaux territoriales et de faire de la publicité pour le Daily Mail, l'Evening News et le Sunday Dispatch. Nous avons pris la mer avec un petit émetteur à bord, et sommes allés au large de Dundee pour faire des essais. Tout semblait bien se passer jusqu'à ce que la mer nous signale sa présence, et même une mer légèrement mouvementée suffisait à faire varier la distance entre notre antenne et l'eau, notre signal subissait un sévère fading. Finalement l'idée de faire des émissions était abandonnée, mais la firme allemande Siemens Halske est venue à notre secours en nous fournissant quatre super haut-parleurs, d'un poids de près de 400 kilos, capables d'être entendus clairement à plus de 3 kilomètres par temps clair. Nous les avons installés sur les superstructures de notre yacht et nous avons commencé notre tour d'Angleterre, diffusant des disques gramophones et promotionnant nos journaux sponsors. Il faut signaler à cette époque, l'innovation apportée du Daily Mail, d'un contrat d'assurance gratuit, dont les abonnés du journal pourraient bénéficier en cas de mort violente, d'accident sérieux où même, je crois me rappeler, la naissance de jumeaux. Coïncidence, pendant notre périple, un grave accident de train s'est produit à Darlington, et nous purent annoncer à travers nos micros, que les familles de cinq abonnés pourraient bénéficier de l'assurance et toucher la somme de 100.000 livres. L'idée d'un yacht émetteur venait de Valentine Smith, directeur de la publicité du Daily Mail. Il passa alors au Sunday Referee, un journal sportif du dimanche, récemment transformé en journal familial, et tenu par Isidore Ostrer de la Gaumont British Picture Corporation. Se souvenant que le voyage du yacht avait fait énormément pour accroître la diffusion du Daily Mail, Valentine Smith décida d'impliquer le Sunday Referee dans des émissions radio et il me chargea de l'aider à cette tâche. Au même moment, une petite compagnie privée, l'International Broadcasting Company (IBC) au capital de £200, venait de se former. L'homme aux commandes était un certain Capitaine Leonard Plugge qui par la suite devint député de Rochester, Chatham et Medway. L'ambition de Plugge était de lancer des émissions commerciales au Royaume Uni sur des bases similaires à ses opérations réussies aux Etats‑Unis. Le problème c'est qu'il ne trouvait nulle part une radio qui le laisserait émettre régulièrement. Il avait bien essayé de diffuser un programme ou deux en Belgique, Hollande, Pologne, Yougoslavie et autres pays divers comme la France, où la Tour Eiffel lui avait même permis la diffusion d'un programme. Un jour pourtant, alors qu'il roulait entre Dieppe et Deauville (de toute évidence, il avait les moyens!), il s'arrêta pour prendre un apéritif au Café Colonnes dans la petite ville de pêche de Fécamp en Normandie. Là, il apprit que Fécamp fournissait la plupart de la morue salée consommée en France et que la ville était aussi la seule place au monde où la véritable Bénédictine, la célèbre liqueur, était distillée. Plugge n'était pas particulièrement impressionné, mais dressa l'oreille lorsqu'il apprit que le plus jeune des directeurs de la Bénédictine, M. Fernand Le Grand, était un amateur passionné de télégraphie sans fil et qu'il avait un petit émetteur dans son salon. Avec cet émetteur, il s'amusait à émettre pour ses amis du Havre, situé à près de 20 km et récemment, il avait réussi à vendre des chaussures pour l'un de ses amis grâce à ce moyen. Le Capitaine Plugge et M. Le Grand, se rencontrèrent autour d'une bouteille de Bénédictine dans le salon où se trouvait l'émetteur. Rapidement, ils conclurent un accord. Le Grand autorisait Plugge à utiliser son émetteur pour diffuser en anglais à certaines heures du jour et Plugge lui donnerait 200 francs par heure. A cette époque le taux de change était de 200 F pour 1 £ ‑ Plugge n'était pas perdant. Plugge abandonna son voyage vers Deauville et se rendit au Havre pour essayer d'acheter quelques disques gramophones anglais. Il avait aussi besoin d'argent et pour changer un chèque, appela la banque Lloyd au Havre, rencontra un directeur, William Evelyn Kingwell, et finalement se débrouilla pour que Kingwell se rende à Fécamp pendant les six dimanches à venir, réalise un programme avec les disques que Plugge avait l'intention d'acheter, et annonce leurs titres en anglais sur le petit émetteur de Le Grand. De retour à Londres, Le Capitaine Plugge contacta divers journaux dans l'espoir de les intéresser au projet. Un seul devait répondre et c'était, vous l'avez deviné, le Sunday Referee, où l'enthousiasme combiné de Valentine Smith et de moi‑même semblait convenir parfaitement aux plans de Plugge comme bien sûr les siens convenaient aux nôtres. Deux ou trois réunions pour mettre au point les détails entre le Sunday Referee et l'International Broadcasting Company du Capitaine Plugge et en moins d'une semaine le Sunday Referee publiait la nouvelle dans tout le sud‑est de l'Angleterre sous le titre "Des émissions spéciales pour les auditeurs britanniques" (même à cette époque, les auditeurs n'étaient pas très satisfaits de la BBC). Le dimanche suivant, le journal publiait les détails du programme que Kingwell allait présenter, avec les horaires et les informations sur la longueur d'onde de la station et sa place sur le cadran. A la surprise générale, le Sunday Referee se vendit complètement sur tout le long de la côte Sud. La semaine suivante sa vente s'accrue à Londres et à l'évidence, l'intérêt des lecteurs augmentait en même temps que le tirage continua de dimanche en dimanche. Finalement, l'employé de Plugge, Max Staniforth, un ex-chef de publicité de l'Argentine State Railways, et moi-même, amateur de sans‑fil et consultant pour le Sunday Referee, nous nous sommes retrouvés à Fécamp avec la charge de lancer l'émetteur de M. Le Grand, passé à 5 kilowatts sous le nom de Radio Normandy, la première station commerciale régulière en anglais, vendant des marchandises anglaises, aux anglais. Deux mâts‑antenne d'occasion installés dans le jardin de la Bénédictine (situé sur la colline normande, à l'opposé exact de celle de Seaford) et derrière les antennes, une petite cabane pour abriter l'émetteur de Le Grand, ainsi que des étages additionnels pour augmenter sa puissance, nous donnèrent une station d'émission capable d'être entendue sur tout Londres et dans le Sud de l'Angleterre. Pour les studios, M. Le Grand mis à notre disposition une partie des écuries de la Bénédictine, (pratiquement l'ensemble de leur moyen de transport avait été motorisé), aussi, dans un grenier à foin au-dessus des étables, aux murs " isolés " par de vieilles couvertures, et le sol couvert de paille, Radio Normandy naissait. La réalisation des programmes n'était pas le travail le plus facile car nous n'avions que quelques disques gramophones, ceux que Plugge avait achetés au Havre, ainsi qu'une centaine d'autres que Staniforth et moi avions emportés avec nous. Beaucoup d'improvisation était nécessaire et nous poussions au micro quiconque parlait ou chantait un ou deux mots en anglais. Petit à petit nous découvrîmes au travers des lettres que nous avions des auditeurs. Nous avions beaucoup de correspondance, à cette époque le timbre pour l'étranger ne coûtait que trois demi‑pences moins de l'équivalent de 1 p aujourd'hui (8 centimes). Lorsque nous communiquâmes la taille de nos sacs postaux aux clients potentiels, leur réponse fut tout simplement: "Peut-être, mais achèteront‑ils quelque chose ?" et dans tous les cas la plupart des annonceurs potentiels ne pensaient pas que notre taux d'écoute serait assez élevé pour les intéresser. Quel était en fait notre taux d'écoute? Personne ne le savait vraiment, aussi j'essayais de le trouver. Avec l'aide du Sunday Referee qui restait l'un de nos actionnaires les plus acharnés, je créais "l'International Broadcasting Club ". L'adhésion était gratuite, juste un timbre était nécessaire. En échange les membres recevaient une carte et promettaient d'écouter la station régulièrement. Incroyablement, en moins de trois semaines le Sunday Referee avait reçu près de 50.000 demandes et en moins de trois mois, plus d'un quart de million de noms étaient enregistrés. Avec cette preuve massive, l'homme qui était en charge de la vente publicitaire redemanda la même question, et la réponse fut la même "Mais achèteront-ils quelque chose ?" Un de nos tous premiers prospects nous suggéra même le troc et offrait 12 récepteurs radios en échange d'annonces pour ses produits. Un fabricant de sous-vêtements offrait de nous donner des panoplies complètes en échange de publicité, et un tas d'autres firent des offres similaires. Evidemment cela ne nous intéressait pas. Il nous fallait quelque chose de positif pour convaincre les annonceurs que nos auditeurs représentaient un marché potentiel. La réponse nous arriva par l'intermédiaire d'un associé de Plugge, George Shanks, dont l'idée aventureuse dégagea réellement l'impasse. A la lecture d'un vieux livre à propos des domestiques et la cuisine, il tombait sur une recette de crème pour la peau et dans l'arrière cuisine de la maison de sa mère à Great Stanhope Street, London W 1 (une rue que les bombes nazis détruiront plus tard) il réalisa quelques pots en verre de cette crème et en expédia deux ou trois exemplaires à Fécamp avec la demande d'essayer de vendre ces pots par la radio. Bien, cela sentait plutôt bon, était doux au toucher, et pénétrait rapidement dans la peau une fois étalée. Ca semblait avoir des possibilités, aussi Staniforth et moi avons inventé une petite histoire pour charmer un peu. " Il y a très longtemps, dans les rue de Persepolis, une très jolie jeune princesse persane était promenée dans sa chaise, lorsqu'elle se trouva arrêtée par une manifestation sur la route. Ses porteurs lui dirent qu'un groupe d'étudiant était en train de molester un pauvre vieil esclave égyptien. Ses yeux en colère, la princesse descendit de sa chaise, et ordonna aux étudiants de partir sauva le vieil homme et avec un peu d'or le remis sur son chemin. Des années plus tard, au mariage de la princesse, celle‑ci trouva parmi les cadeaux de mariages un présent de gratitude de la part du vieil esclave qu'elle avait sauvé. C'était une petite jarre d'albâtre de merveilleux onguent qui la rendit encore plus belle qu'avant. Avec le temps, le secret de cet onguent avait disparu, mais récemment il a été retrouvé. Il a à présent été épuré et mis au goût du jour, et sous le nom de Renis Face Cream, est disponible partout pour les dames. Le prix est de deux shillings et trois pence par pot, frais de port compris. " Et bien ça s'est vendu et vendu, mais en regardant après coup, peut-on être surpris que des mesures aient été prises afin de contrôler l'éthique des propositions publicitaires? Toutefois ce fût le truc et les annonceurs commencèrent sérieusement à considérer à nous acheter du temps d'antenne. Un des tous premiers clients fut Spink's de King Street, St James. Il recherchait le vieil or qui avait augmenté considérablement de valeur depuis l'abandon par la Grande Bretagne de la monnaie or. Un autre des premiers clients était Henly's, des gens du marché de la voiture d'occasion. Il avait décidé de mettre sur le marché une nouvelle voiture en coopération avec je crois, Standard Motors et était sur le point de lancer sur le marché quelque chose de vraiment superbe, le SSI. C'est plus connu de nos jours sous le nom de Jaguar. Rapidement les annonceurs montrèrent des signes d'intérêts positifs sur nos activités, toujours encouragés par le Sunday Referee, qui non seulement montrait la voie avec ses propres programmes, mais aussi nous donnait une couverture splendide dans ses colonnes, et c'était le seul journal à publier les programmes de Radio Normandy en détail aussi bien que les nouvelles du "International Broadcasting Club".
Mon intérêt dans Radio Normandy s'estompa dès que ses problèmes de jeunesse diminuèrent, et très rapidement on me demanda de prendre en charge un service similaire en anglais sur Radio Paris, la principale station en France, bien établie et très bien équipée, avec une puissance quinze fois plus importante que celle de Radio Normandy. Mon transfert signifiait la coupure de toutes mes connexions avec le Capitaine Plugge et son International Broadcasting Company et la perte de mes liens avec le Sunday Referee parce que je devenais du même coup Directeur Général de Radio Publicity, une compagnie britannique, gérée par un français Jacques Gonat et opérant à Paris. Dans un certain sens, l'aventure parisienne fut trop réussie. Nous attirions tant d'annonceurs britanniques que les auditeurs français finirent par en avoir assez d'entendre tant d'anglais sur leur station numéro un, et le gouvernement français intervint et nous demanda de bien vouloir aller ailleurs. Mais où pourrions-nous aller ? Heureusement il y avait une toute nouvelle station dans le Grand-duché de Luxembourg qui terminait juste ses essais. Elle avait été construite spécialement pour des émissions commerciales. En fait, à une certaine époque nous avions espéré être les constructeurs, mais les financiers britanniques avaient un peu froid aux pieds parce que le Luxembourg était très près de l'Allemagne, et à ce moment, il y avait quelqu'un qui prenait de l'importance et dont ils n'aimaient pas vraiment l'aspect ‑ Adolf Hitler. Pas très surprenant lorsque l'on sait que les finances que l'on aurait pu obtenir étaient dans des mains juives. Aussi ce sont des intérêts français qui construisirent la station. Pas tout à fait ce que nous aurions souhaité. Heureusement, notre président français, Jacques Gonat, était un homme très influent et réussit pour notre compagnie (Radio Publicity) à obtenir la concession exclusive des programmes anglais de Radio Luxembourg et ainsi je me retrouvais délégué à cette station afin de lancer et diriger ses activités de langue anglaise. Luxembourg était de loin la station la plus puissante d'Europe. Avec près de 300 kilowatts dans ses circuits d'antennes, elle était 60 fois plus puissante que Radio Normandy. Elle pouvait couvrir toute la Grande Bretagne et presque toute l'Europe. Etant là dès le début, nous dominions, virtuellement la vente publicitaire. Néanmoins le problème de taux d'écoute fut beaucoup plus grand à Luxembourg qu'à Normandy ou à Paris. Pratiquement personne ne savait où se trouvait Luxembourg, ce que c'était et même si c'était un pays. La Normandie et Paris c'étaient des noms connus en Grande Bretagne mais le Luxembourg ? Même la compagnie de chemin de fer de Londres et du Nord-est qui avait le Luxembourg parmi ses destinations continentales ne savait pas trop renseigner sur ses horaires à cette période. Les annonceurs de Radio Paris acceptèrent le transfert de leurs programmes sur la nouvelle station, mais si les auditeurs anglais ne venaient pas en nombre suffisant, ils se retireraient. Le Sunday Referee continua son programme et à donner de bonnes couvertures dans ses pages, mais pas un seul autre journal ne donnait une quelconque mention. Ils craignaient que l'on devienne un compétiteur trop puissant dans la bataille de la publicité. C'était un problème sérieux. La date de notre première émission sur Radio Luxembourg avait été fixée de façon à coïncider avec notre dernière émission sur Radio Paris et pour cette occasion (3 décembre 1933) les deux stations diffusèrent un programme commun. Il y avait des annonces fréquentes: " Ici Radio Paris et Radio Luxembourg ". A chaque fois que possible, je venais sur les ondes pour dire qu'à partir du dimanche suivant tous les futurs programmes viendraient de Luxembourg au lieu de Radio Paris et puisque, à ce moment, les deux stations émettaient exactement la même chose à différentes positions sur la bande des grandes ondes, les auditeurs pouvaient identifier la position de Radio Luxembourg en se déplaçant le long du cadran jusqu'à ce qu'il entende de nouveau ma voix. "L'avez‑vous attrapé?" Je répétais, "Et bien c'est là que vous allez trouver tous nos programmes à partir de dimanche prochain, aussi rappeler vous la position sur le cadran et marquez là si possible ". Ca a marché et l'on m'a dit que les auditeurs avaient beaucoup aimé la recherche de Luxembourg Le jour suivant, dans le train ou le bureau les gens se demandaient "As‑tu trouvé Luxembourg hier? ". Ainsi le mot a circulé. Le 5 décembre 1933 je transférais mon bureau et mon domicile au Grand-duché du Luxembourg et par conséquent, je devenais le premier sujet, anglais de naissance a être domicilié officiellement dans ce pays. Mon seul problème était qu'au contraire des autres étrangers je ne pouvais pas fournir de certificat de bonne conduite de la police de mon pays natal, et je devais demander l'aide du consul britannique au Luxembourg, qui était un Luxembourgeois de naissance, afin qu'il puisse convaincre les autorités luxembourgeoises qu'au Royaume Uni seuls les criminels ont des casiers judiciaires. A la lecture du courrier britannique qui lentement se transforma en sacs postaux, j'arrivais à la conclusion que le fait que le Luxembourg soit si mal connu des anglais était une attirance qui les encourageait à écouter notre nouvelle station et je faisais de mon mieux pour les intriguer d'avantage en leur parlant, dès que j'en avais la possibilité au travers des programmes publicitaires, des charmes et de l'originalité du Grand-duché et de la vie des habitants. J'essayais de présenter les choses non pas sur la fiction, mais sur les faits. Une démocratie très progressive dans un site fascinant et dans beaucoup de cas beaucoup plus en avance par le côté social de ses habitants que dans le reste de l'Europe, y compris nous-mêmes. C'est Luxembourg même qui "chatouilla l'imaginaire" de nos auditeurs et ils s'attroupèrent à l'écoute de nos programmes. En fait quelques mois après nos débuts, je devais abandonner mes causeries sur le Grand-duché, son histoire et ses manières parce qu'il n'y avait plus de temps pour cela chaque minute disponible transportant le message de quelqu'un. Personnellement j'étais désolé de ne plus parler de romance à propos de l'endroit, mais j'étais là pour les affaires, pas pour la romance. Confirmant cela, un sondage indépendant réalisé en 1937 par le professeur Plant de la London School of Economics montra que notre audience durant le week-end était vingt fois celui de la BBC et pour Radio Luxembourg quelles meilleures affaires que cela? Le Sunday Referee, toutefois, n'allait pas aussi bien. Ses propres émissions et sa politique exclusive d'imprimer tous les détails de nos programmes avaient triplé sa circulation. L'Association des Propriétaires de Journaux n'aima pas ça du tout. Ce n'était pas l'augmentation de la circulation du journal ‑ ça, apparemment ils approuvaient‑ c'était les moyens d'y arriver par l'utilisation et l'encouragement des annonces radiophoniques que l'APJ regardait comme une menace fatale à leurs propres revenus publicitaires. Plusieurs ultimatums furent lancés, que le Sunday Referee préféra ignorer, mais finalement le journal se vit priver de l'accès aux services de distributions mis en place par l'APJ pour les journaux en général. La distribution nationale était une charge trop grande pour un simple journal de la taille du Referee pour l'entreprendre par lui-même, et malheureusement, le Sunday Referee fut forcé de se retirer de la radio. En fin de compte, il fusionna avec le Sunday Chronicle, et depuis quelques années maintenant, n'est plus qu'un souvenir. La publicité radiophonique elle-même devint de plus en plus forte jusqu'à la guerre, mais vers la fin des années trente, de gros intérêts financiers commencèrent à s'approprier le monde de la radio et il ne resta peu ou plus de place pour les enthousiasmes individuels ou les « self made men ». Max Staniforth, mon co‑pionnier d'un temps à Radio Normandy, est devenu "révérend" et a trouvé la foi au sein de l'église. Il est mort en 1985 à l'âge de 93 ans. Je suis le seul survivant de ces premiers jours, j'ai continué dans le métier jusqu'en 1975 (la radio seulement, évidemment, ce qui convient à un enthousiaste du sans-fil des origines!) mais même aujourd'hui, à cause de la tradition, je crois, je me demande si la BBC a vraiment pardonné notre effronterie à la création de rivaux, ou pour la raclée que Radio Luxembourg a donné à son taux d'écoute le week-end avant la dernière guerre. Sans aucun doute, l'arrivée des stations commerciales continentales a servi d'exemples, aidé l'arrivée, à coup de millions de livres, des compagnies ITV et IBA, et certainement contribué à mettre le Luxembourg sur une carte en faisant de Radio Luxembourg, un nom connu à travers toute l'Europe. Grâce aux radios commerciales continentales comme Radio Normandy ou Radio Luxembourg, l'austérité des programmes de la BBC a été mis en évidence et a amorcé le déclin de l'attitude traditionnelle de la Corporation ».
STEPHEN WILLIAMS 1987
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