FERNAND LE GRAND
M. Fernand Le Grand, à 29 ans, a été nommé président du Radio Club de
Fécamp et de sa Région, fonction qu'il est tout désigné pour remplir, car
il est peut-être le plus ancien amateur de T.S.F. à Fécamp.
Entré pour ses études secondaires au Collège Stanislas à Paris, il a la
chance de rencontrer Edouard Branly, le père de la radio et inventeur de son fameux radio-conducteur, le cohéreur à limaille. Le savant lui fait l'amitié de le
recevoir dans son modeste laboratoire de l'Institut Catholique de Paris où il
poursuit ses recherches. C'est pour le jeune homme curieux, la révélation.
A partir de cette providentielle rencontre, sa vocation prend une forme sensible.
Il a beau faire un doctorat en droit, l'idée est bien ancrée en lui et il faut - car c'est un volontaire - qu'un jour cette idée se matérialise.
Grâce au Professeur Branly qui lui laisse toute liberté d'aller et venir
dans son laboratoire, il pénètre certains mystères de cette science
nouvelle, la radio dont on ne peut qu'instinctivement deviner où cela va mener.
M. Edouard Branly dans son laboratoire, entouré de ses collaborateurs
Rendu à la vie civile, après la guerre, M. Fernand Le Grand
demande une autorisation d'émettre aux P.T.T. et obtient l'indicatif E.F.8.I.C.
Aidé de quelques amis du Club, le Président se met à l'ouvrage pour
construire un premier émetteur en téléphonie, car il existe un abîme entre
la graphie, qui consiste à émettre un son bref, ou long (les signaux morse), et la phonie qui doit
reproduire la voix humaine dans toutes ses nuances.
Dès 1926, E.F.8.I.C. fonctionne à intervalles plus ou moins
réguliers et sous quelques watts seulement. Les résultats obtenus sont
satisfaisants, et dès le 18 novembre 1926, E.F.8.I.C. prend le nom de Radio
Fécamp, perdant ainsi son caractère de poste particulier. Certains membres du
club prennent peur, se demandant où tout cela va mener. Le président met sa propriété à la disposition de Radio Fécamp transformant son salon en
studio de radio, sa véranda en salle d'émetteur et le toit pour supporter
l'antenne. Mais peu à peu la confiance revient et les résultats d'écoute
s'accroissent.
Agnès, l'une des trois filles de M. Le Grand se rappelle qu'il
y avait une activité débordante dans la maison familiale : "Les
premières émissions ont eu lieu dans la cave mais bien vite l'activité
déborda dans les autres pièces de la maison. Je me souviens de Papa "digonnant"*
ses appareils, dit-elle, il voulait que ce soit une radio familiale et
populaire. Je me souviens qu'il était allé à Locarno (Suisse) pour obtenir une
longueur d'onde.
Après la guerre, cette longueur
d'onde a été donnée à Radio Luxembourg (208 mètres). Mais Papa a eu
beaucoup de soucis avec sa radio, il n'a jamais voulu faire de politique, ni y
mêler la religion. Je ne suis pas sûre que Papa s'y connaissait
très
bien dans la radio mais il était passionné.
* digonner = bricoler en tripotant
(vocabulaire cauchois)
Agnès Le Grand lors d'une
exposition sur
Radio Normandie au Musée du pays de Caux en 1997
<
Avec
M. Henri de France, il a participé aux premiers essais de télévision entre Fécamp
et Le Havre. C'étaient des ombres qui venaient et
repartaient...
Pour Papa, la réquisition de son poste en 1939 l'a bien
perturbé : il en était presque devenu fou !"
Les trois sœurs se rappellent que leur mère était aussi très dévouée
car il y a beaucoup de monde dans le salon de la maison avec les hôtes
qu'il fallait accueillir.
Grâce au député Georges Bureau, un décret gouvernemental du
18 février 1929 reconnaît officiellement la station et la met au même niveau
que les douze autres stations privées françaises. Ainsi consacrée, Radio
Fécamp peut recevoir des subventions et pour s'affermir tout à fait, change
son nom en Radio Normandie.
En 1930, Fernand Le Grand rencontre au Café des Colonnes de
Fécamp Place Thiers, un sujet britannique le Captain Leonard Plugge de passage dans la
région qui se montre fort
intéressé par l'émetteur dont les émissions sont reçues dans de bonnes
conditions dans son pays. Plugge propose de louer l'émetteur 200 francs de
l'heure pour transmettre pendant les heures de pause, des programmes en langue
anglaise. Le marché aurait été conclu devant une bouteille de liqueur ! (On
ne dira pas la marque !) Invité à Londres, Fernand Le Grand en profite pour assister à une
démonstration de télévision selon le procédé de l'anglais John Baird et rencontre les
dirigeants de l'IBC (International Broadcasting Company) chargé
de produire des programmes commerciaux sur les émetteurs étrangers (la
publicité étant interdite à la BBC). Il promet, dès son retour à Fécamp, d'effectuer une
émission la nuit du 29 juin 1931 afin de tester la qualité de la réception en
Angleterre. Les résultats sont
concluants. Dès la fin 1931 les premières émissions anglaises commencent sur 269,5 m et
sont entendues dans tout le sud de l'Angleterre et les Midlands. Dès le 1er février
1932, celles-ci ont lieu le samedi et dimanche jusqu'à 3 h du matin et la semaine de minuit à 1h00 avec 8 kW (500 w officiellement !). Lors du
transfert à Louvetot, la longueur d'onde passe sur 274 mètres avec 150 kW antenne.
Certaines nuits, la réception est si claire en Angleterre que les auditeurs
pensent que tout l'orchestre est présent à Fécamp, alors qu'en fait, il
n'y a que les deux techniciens en charge des émissions.
Le vieux rêve d'adolescent de Fernand Le Grand n'est pas tout à fait
réalisé. Son projet grandiose, il le révèle en 1934, c'est de réaliser
une véritable station de radio de dimension nationale. C'est ce qu'il souhaite avec Louvetot. Grâce à cet émetteur puissant, la Normandie rayonne
sur toute l'Europe. Toute l'Angleterre, la Belgique, l'Espagne, l'Italie,
l'Allemagne, la Suisse et même le Luxembourg. Il a fait de son rêve, Radio Normandie, une
station modèle placée en un point central bien choisi pour réaliser des
émissions de qualité. Radio Normandie est l'œuvre d'un homme qui a osé
avec un groupe d'aventuriers, des pionniers, une équipe qu'il a su
réunir autour de lui et qui ne compte ni son temps, ni sa peine. Il est
épaulé par un conseil d'administration qui compte parmi ses membres René
Legros, le pionnier de l'automobile à Fécamp, M. Tetlow industriel à Bolbec,
M. Blondel également industriel à Saint-Léger-du-Bourg-Denis sans oublier
surtout les speakers : Mlle Francine Lemaître (Tante Francine), MM. Roland Violette
(Oncle Roland), M. Bénard (Cousin Maurice), M. Bécasse (Cousin André),
René Malandain, M. Nicolas, Pierre Garnier et Roger Olivier ; et les
techniciens : Albert Drelangue, Jean Lageix, André Charbonnier, Monchy, Joseph
Malandain, M.
Janssen, Rémy Picard, M. Le Deunf, Jean Griffen, M. De Rotalier, M.
Ferhenbach, Pierre Legros,
Joseph Bouffay, Jean Lenormand et M. Michel.
Cette épopée a marqué
toute une époque où il ne reste que des souvenirs. Monsieur Le Grand est décédé en 1953. Avec sa
persévérance habituelle, il a poursuivi toujours son rêve inachevé avec
l'espérance au cœur de pouvoir le reprendre un jour.
(Sources : Brochures de présentation de Radio
Normandie et "Allô ! Ici Radio Normandie"
de J. Lemaître - Eds Durand
Fécamp)
FERNAND LE GRAND
Mr. Fernand Le Grand, at the age of 29, has been appointed president of the
Radio Club of Fécamp and its Region,
a position he is well suited to fill, because he is perhaps the oldest amateur
of T.S.F. in Fecamp.
Entering for his secondary studies at Collège Stanislas in Paris, he had the
chance to meet Edouard Branly, the father of radio with his famous
radio-conductor, the filing coherer. The scientist befriended him to receive him
in his modest laboratory at the Catholic Institute of Paris where he continued
his research. This is for the curious young man, the revelation. From this
providential encounter, his vocation took on a tangible form. Although he is
doing a doctorate in law, the idea is firmly rooted in him and it is necessary -
because he is a volunteer - that one day this idea materializes. Thanks to
Professor Branly who gives him complete freedom to come and go in his laboratory,
he penetrates certain mysteries of this new science, the radio which one can
only instinctively guess where it will lead.
Mr. Edouard Branly in his laboratory, surrounded by his collaborators. Édouard Branly, born in Amiens on October 23, 1844 and died
in
Paris on March 24, 1940, was a French physicist and doctor. He discovers the principle of radioconduction and that of telemechanics.
He is one of the pioneers of radio.
Returned to civilian life, after the war, Mr. Fernand Le Grand asked for
authorization to broadcast to the P.T.T. and gets the callsign E.F.8.I.C. Helped
by some friends from the Club, the President set to work to build a first
telephony transmitter, because there is a gulf between the spelling, which
consists in emitting a short or long sound (morse signals), and the voice which must reproduce
the human voice in all its nuances.
As early as 1926, E.F.8.I.C. operates at more or less regular intervals and
under only a few watts. The results obtained are satisfactory, and from November
18, 1926, E.F.8.I.C. takes the name of Radio Fécamp, thus losing its character
as a particular station. Some club members get scared, wondering where this is
all going to lead. The president places his property at the disposal of Radio
Fécamp, transforming his living room into a radio studio, his veranda into a
transmitter room and the roof to support the antenna. But little by little
confidence returns and the listening results increase.
Agnès, one of Mr. Le Grand's three daughters, remembers that there was an
overflowing activity in the family house: "The first broadcasts took place in
the cellar but very quickly the activity overflowed into the other rooms of
home. I remember Dad "digging" his devices, she said, he wanted it to be a
family and popular radio. I remember he had gone
to Locarno (Switzerland) to get a wavelength. After the war , this wavelength was given to
Radio Luxembourg (208 meters).
But Dad had a lot
of problems with his radio, he never wanted to do politics, nor mix religion.
I'm not sure that Dad was very knowledgeable about radio but he was passionate.
Agnès Le Grand during an exhibition on Radio Normandie
at the Musée du pays de Caux in 1997
<
With Mr. Henri of France, he took part in the first television trials between
Fécamp and Le Havre. They were shadows that came and went...
For Dad, the requisition of his post in 1939 disturbed him a lot: he had almost
gone mad!"
The three sisters remember that their mother was also very devoted because there
are many people in the living room of the house with the guests that had to be
welcomed.
Thanks to the deputy Georges Bureau, a government decree of February 18, 1929
officially recognizes the station and puts it on the same level as the twelve
other French private stations. Thus consecrated, Radio Fécamp can receive
subsidies and to strengthen itself completely, changes its name to Radio
Normandie.
In
1930, Fernand Le Grand met at the Café des Colonnes in Fécamp Place Thiers, a
British subject Captain Leonard Plugge passing through the region who was very
interested in the transmitter whose broadcasts were received in good conditions
in his country. Plugge proposes to rent the transmitter 200 francs per hour to
transmit during the break hours of the programs in English language. The market
would have been concluded in front of a bottle of liqueur! (We won't say the
brand!) Invited to London, Fernand Le Grand took the opportunity to attend a
demonstration of television using the process of the English John Baird and met
the leaders of the IBC
(International Broadcasting Company) responsible for producing commercial
programs on foreign transmitters (advertising being prohibited at the BBC). He
promises, upon his return to Fécamp, to make a broadcast on the night of June
29, 1931 in order to test the quality of reception in England. The results are
conclusive. From the end of
1931 the first English broadcasts began on 269.5 m and were heard throughout the
south of England and the Midlands. From February 1, 1932, these took place on
Saturdays and Sundays until 3 a.m. and on weekdays from midnight to 1 a.m. with
8 kW (500 w officially!). During the transfer to Louvetot, the wavelength passes
over 274 meters with 150 kW antenna. Some nights the reception is so clear
in England that listeners think the whole orchestra is present in Fécamp, when
in fact there are only the two technicians in charge of the broadcasts.
Fernand Le Grand's old teenage dream is not quite realized. His grandiose
project, he revealed it in 1934, was to create a real radio station on a
national scale. This is what he wants with Louvetot. Thanks to this powerful
transmitter, Normandy radiates throughout Europe. All of England, Belgium, Spain,
Italy, Germany, Switzerland and even Luxembourg. He made his dream, Radio
Normandie, a model station placed in a well-chosen central point to produce
quality broadcasts. Radio Normandie is the work of a man who dared with a group
of adventurers, pioneers, a team he was able to unite around him and who counted
neither his time nor his trouble. He is supported by a board of directors which
counts among its members René Legros, the automobile pioneer in Fécamp, Mr.
Tetlow industrialist in Bolbec, Mr. Blondel also industrialist in
Saint-Léger-du-Bourg-Denis without forgetting especially the speakers: Miss
Francine Lemaître (Aunt Francine), MM. Roland Violette (Uncle Roland), Mr.
Bénard (Cousin Maurice), Mr. Bécasse (Cousin André), René Malandain, Mr.
Nicolas, Pierre Garnier and Roger Olivier; and the technicians: Albert Drelangue,
Jean Lageix, André Charbonnier, Monchy, Joseph Malandain, Mr. Janssen, Rémy
Picard, Mr. Le Deunf, Jean Griffen, Mr. De Rotalier, Mr. Ferhenbach, Pierre
Legros, Joseph Bouffay, Jean Lenormand and Mr. Michel.
This epic marked an entire era where only memories remain. Monsieur Le Grand
died in 1953. With his usual perseverance, he continued to pursue his unfinished
dream with the hope in his heart of being able to resume it one day.